Les outils numériques dans nos AMAP : c’est comme pour l’alimentation, se poser quelques questions avant de « consommer »

Depuis le début de la crise sanitaire et le confinement, nous utilisons beaucoup plus les outils numériques. Comment choisir des outils éthiques en accord avec nos valeurs pour communiquer et s’organiser ? Comment être vigilant pour ne pas se tromper dans le choix d’un logiciel de gestion de nos AMAP ?

Dialoguer, s’organiser avec les logiciels libres

Le Collectif pour une Transition Citoyenne (CTC) dont le MIRAMAP est membre nous fait quelques recommandations. Au MIRAMAP comme au CTC nous préférons les logiciels libres. Quand on pense outil libre, on pense souvent outil gratuit, mais c’est un peu plus compliqué que ça. Un outil libre n’est pas forcément gratuit (même si beaucoup sont mis à disposition « gratuitement » avec appel à contribution libre), et tous les outils gratuits ne sont pas libres (loin de là). La plupart des outils gratuits utilisés par le grand public et développés par les géants du web, les GAFAM*, reposent sur la revente des informations personnelles de leurs utilisateur·trices. Données qui servent ensuite non seulement à cibler la publicité mais aussi parfois à orienter nos choix politiques. Comme dit le dicton : “Quand c’est gratuit, c’est toi le produit”. Pour éviter ces inconvénients, le CTC a essayé de lister des logiciels à la fois libres et « gratuits » :

  • Outils audio/visioconférence Jitsi : logiciel libre, gratuit et sécurisé proposant des visioconférences, via navigateur web ou logiciel dédié, intégrant presque toutes les fonctionnalités du célèbre logiciel Zoom (enregistrement, chat, partage d’écran, stream …). Les colibris ont par ailleurs développé leur propre déclinaison de Jitsi dans une version simplifiée, facile et rapide à mettre en œuvre.
  • OVH : principal fournisseur web de France, OVH propose gratuitement son outil de conférence téléphonique dans la limite d’une trentaine de participants. S’il ne s’agit ici pas d’un outil libre, OVH est néanmoins un opérateur particulièrement engagé dans le respect de la vie privée et la neutralité du web.
  • Outils de bureautique collaboratifs Framapad : logiciel libre et gratuit développé par la fondation Framasoft et basé sur la plateforme etherpad, il permet à près de 60 personnes d’éditer des textes en ligne en temps réel. De nombreuses organisations ont mis en place leur propre déclinaison d’etherpad enrichie de plus ou moins de fonctionnalités suivant les usages.
  • La fondation Framasoft développe par ailleurs de nombreux services lancés en 2016 dans sa campagne « Degooglisons l’internet ». Repris et améliorés par le collectif « chatons », ces outils ont également été renforcés (stabilité, hébergement) dans le cadre du Covid-19.

Vous pouvez retrouvez toutes ces infos et plus encore dans la fiche technique du Pacte pour la Transition « S’organiser et communiquer avec des outils libres ».

* Pour plus d’info sur les GAFAM https://www.laquadrature.net/donnees_perso/ et https://theshiftproject.org/

Être vigilant et ne pas se tromper dans le choix d’un logiciel de gestion de nos AMAP

Depuis la crise sanitaire un engouement s’est manifesté vers les circuits courts et la vente directe de produits agricoles. Sans doute parce qu’ils ont fait la preuve de leur pertinence durant les crises : leur résilience face aux dérèglements des circuits longs, la traçabilité des produits, le lien humain paysans/consommateurs. Pour faciliter la commercialisation locale, de nombreuses plateformes en ligne ont été créées ou se sont répandues pour mettre en lien des paysans et des consommateurs d’un même territoire.

Comment choisir au milieu de cette profusion ?

Un outil n’est jamais neutre, il a un impact sur la dynamique d’un groupe. Alors autant se poser quelques questions avant de foncer dans l’adoption d’un logiciel pour savoir s’il répond bien aux besoins sans transformer les pratiques et l’éthique de l’AMAP. Des questions sur les fonctionnalités proposées, la pérennité de l’outil, sa facilité de mise en œuvre pour toutes et tous, son modèle économique basé sur les principes de l’économie solidaire, le respect de la Charte des AMAP, le suivi légal, les services offerts, etc. Comme pour les outils numériques de communication et d’organisation, c’est mieux de choisir les logiciels libres dont le modèle économique est basé sur les principes de l’économie solidaire : « fonctionnement collectif et gouvernance démocratique », avec un but d’utilité sociale et de solidarité.

Certaines plateformes ou logiciels ont été conçus pour un ensemble de circuits courts : commandes ponctuelles, groupements d’achat, AMAP. La proximité des « formules » tend à faire disparaitre la spécificité des AMAP : un partenariat solidaire et contractualisé, en vente directe, avec pré-paiement sur la durée à l’opposé d’une commande ponctuelle ou d’un achat compulsif. L’activité des groupes AMAP est fondamentalement non-lucrative, elle soutient la pérennité des fermes paysannes en agro-écologie en sachant que, par exemple, pour manger des légumes en septembre il faut les avoir semer au printemps, les avoir intégrer dans un programme de culture dès l’hiver et avoir la trésorerie pour acheter les semences dès l’automne précédent.

Si on utilise essentiellement des outils numériques pour faire tourner l’AMAP, que se passe-t-il pour celles et ceux qui ne sont pas à l’aise ou favorables au numérique ? Que faire pour que ceux ou celles qui l’animent ne prennent pas la main sur l’organisation ? Quelques témoignages :

« Quand on a créé notre AMAP, nous avons choisi de ne pas prendre de logiciel de gestion. Les informations sont échangées oralement lors des livraisons. Il y a un binôme de référents, pour chaque paysan partenaire, qui utilisent le support de leur choix. Au bout de 3 ans d’existence, ce fonctionnement nous convient toujours ! » une amapienne de l’AMAP Elément Terre

« Dans notre AMAP, nous avions porté une attention particulière à ce que l’utilisation d’un logiciel de gestion se fasse de façon décentralisée, avec des principes d’entraide entre référent·e·s, amapien·ne·s et paysan·ne·s » un amapien en Provence

De plus, actuellement, pas mal d’acteurs surfent sur l’engouement vers les AMAP, sans en saisir vraiment l’éthique, dévoient involontairement ou non, nos principes fondamentaux. Ainsi, la proposition d’un service de paiement dématérialisé peut être piégeux. Auprès de quelle banque est-il proposé ? Est-ce une banque éthique ? Cet outil profite-t-il à un prestataire ? Derrière une gratuité affichée n’y a-t-il pas un intermédiaire lucratif qui s’introduit dans le flux financier ? Le paiement du service reporté sur le prix du panier ne risque-t-il pas d’éloigner des amapiens précaires ?

Le MIRAMAP, en tant qu’acteur collectif du Mouvement des AMAP, a apporté sa contribution au déploiement de logiciels de gestion d’AMAP. Il a versé au « pot commun » un logiciel en open source/libre, clic’AMAP, créé dans une démarche participative qui a commencé dès 2015, en partenariat avec AMAP Auvergne-Rhône-Alpes, le Réseau des AMAP de l’Isère et celui des Hauts-de-France. Comme tout projet commun il constitue une aventure passionnante, pleine de rebondissements et sa construction est en « amélioration continue », il est néanmoins déjà très opérationnel avec notamment la possibilité de dématérialiser les contrats. Nous vous invitons à découvrir ses multiples fonctionnalités au service des AMAP et des réseaux.

Compléments d’infos : le blog d’un amapien de l’AMAP Réunion Père Lachaise, « Plateformes et outils numériques en AMAP« .

François et Évelyne

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