
Le vendredi 4 avril nous étions une trentaine à nous retrouver par visio pour un atelier entre paysan·nes autour de la thématique de l’adaptation face au changement climatique. Pour nous accompagner dans nos réflexions, nous étions en présence d’Alexandre, conseiller technique en maraîchage à la FRAB AURA.
La parole aux paysan·nes en AMAP
Afin de lancer les échanges, chacun·e a pu s’exprimer et témoigner des changements climatiques qu’ils et elles ont pu constater depuis plusieurs années sur leurs fermes. Certain·es comme Pélagie dans l’Oise a vécue la pire des année en 2024 avec une pluviométrie excessive qui lui a fait perdre beaucoup de légumes.
D’autres encore comme Damien à Gap explique que la principale évolution pour les cultures est le pic de température estivale qui a un impact au moment des floraisons. Il pense abandonner certaines cultures qui deviennent de plus en plus aléatoires comme les lentilles. Sur la partie élevage, il explique devoir s’adapter pour les fourrages car la pousse de l’herbe est précoce au printemps et plus tardive en automne.
Quelques éléments de contexte
Alexandre de la FRAB AURA nous a ensuite parlé des travaux menés depuis plusieurs années sur le changement climatique en Auvergne par une dizaine de personnes. Son objectif est de donner des idées et d’essaimer ce type d’initiatives car pour lui « travailler en collectif est la clé pour aborder cette thématique ». Un des facteurs de réussite est en effet de ne pas rester dans l’entre-soi mais plutôt d’aller voir ce qui se fait ailleurs pour pouvoir réfléchir différemment sur sa ferme.
Les changements climatiques en Auvergne sont très visibles depuis 2015. L’Auvergne est une plaine entourée de montagnes, elle a donc toutes les conditions pédo-climatiques : des sols acides sableux aux sols très fertiles argileux calcaires et un phénomène d’inversion thermique. On constate des événements aléatoires de plus en plus brutaux et violents (ex : épisodes de grêle, inondation, neige), des inversions thermiques plaine/montage, des sécheresses et canicules. L’incertitude est croissante. Pour la nature et pour les cultures cela est très difficile. Les animaux sont aussi perturbés dans leur cycle, leur façon d’interagir et de se développer change, la pression des ravageurs devient aléatoire. Pour les agriculteur·rices il y a de l’incompréhension, de la difficulté, de la détresse, de la solitude, et c’est pour cela que l’intérêt d’un groupe est extrêmement important. Il y a un enjeu d’urgence car en un épisode on peut avoir des dégâts irréversibles. Il faut tout avoir en tête pour pouvoir anticiper et mettre en place des solutions ou des préventions.
Un travail en collectif
Face à tous ces constats plusieurs maraîchers d’Auvergne ont décidé de se regrouper en GIEE en 2020, constitué de 15 fermes qui ont travaillées de 2020 à 2024. Le groupe s’appelle SMACC : Synergie des Maraicher·es bio Auvergnat·es face au Changements Climatiques. 15 fermes = 15 systèmes différents = 15 objectifs et besoins différents. Pour travailler sur des sujets aussi compliqué, ils et elles ont du apprendre à se connaître, communiquer sans se juger afin de définir des objectifs communs. Ils et elles ont aussi essayé de se concentrer sur des actions qui les animaient et qui étaient à leur portée.
La méthodologie du GIEE SMACC comprend 4 étapes :
- Anticiper : se former, comprendre, identifier les leviers
- Atténuer : protéger les cultures, réagir aujourd’hui, s’adapter dans la saison
- S’adapter : repenser son système, réagir demain, s’adapter durablement
- Lutter : réduire son impact, privilégier le local, chercher l’autonomie
Une analyse systémique
Il s’agit d’une adaptation systémique car on doit s’adapter sur tous les sujets. L’adaptation face au changement climatique touche à tout : organisation du temps de travail, calendrier de cultures, débouchés, biodiversité, embauche, place de l’arbre, place de l’eau… Toutes les fermes n’ont pas les mêmes enjeux ni les mêmes priorités. L’objectif est donc de prioriser les priorités de la ferme pour mieux produire aujourd’hui et pour que cela marche toujours pour demain.
Il est donc nécessaire de repenser son système à tous les niveaux afin de s’adapter. Trois piliers sont indispensables à considérer sur les fermes en priorités :
- La biomasse et le sol
- Carbone : autonomie/recyclage, stockage sol et arbres, limitation des rejets
- Azote : autonomie, légumineuses et animaux
- L’eau : récupération des eaux de ruissellement, optimisation de l’utilisation
- La protection des cultures : thermique (chaud/froid), brûlure du soleil, aléas violents, ravageurs
Les facteurs de réussite
Pour terminer, Alexandre évoque plusieurs facteurs de réussite pour s’adapter face au changement climatique :
- Diagnostiquer sa ferme : identifier ce qui est prioritaire et urgent à travailler individuellement
- Commencer par le plus simple : ce sur quoi on peut agir
- Pour avancer plus vite : faire appel au collectif et/ou à l’accompagnement
- Savoir prioriser dans chaque système pour adapter la charge mentale et les actions aux capacités du système et des personnes qui le pilotent