Monter des contrats accessibles : des paysan·nes témoignent

Le 24 novembre 2025 s’est tenu l’atelier entre paysan·nes en AMAP intitulé « Monter des contrats accessibles ». Durant cette rencontre, Gwenaël, paysan/maraîcher en AMAP en région Auvergne–Rhône-Alpes, est venu partager avec les participant·es les différentes pratiques qu’il met en place autour de l’accessibilité alimentaire. Un temps d’échanges a ensuite permis à d’autres paysannes de discuter de leurs initiatives, de leurs réussites comme de leurs difficultés.

L’accessibilité alimentaire en AMAP, c’est quoi ?

L’accessibilité pour toutes et tous à une alimentation de qualité est un enjeu central pour les AMAP, inscrit comme l’un des piliers de leur Charte. Elle repose sur quatre dimensions :

  • Économique : le prix du panier est-il accessible ?
  • Pratique : les personnes peuvent-elles se déplacer pour récupérer leur panier ? Ont-elles la capacité de cuisiner des produits bruts ?
  • Citoyenne : choisir son alimentation suppose de comprendre le système alimentaire et de pouvoir s’impliquer dans des initiatives collectives.
  • Sociale et culturelle : les produits proposés correspondent-ils aux valeurs, besoins, traditions et pratiques des personnes concernées ?

Le chantier du MIRAMAP « Accessibilité alimentaire en AMAP » a travaillé spécifiquement sur ces enjeux et a formulé des réflexions et principes d’action, rassemblés dans un guide. Les échanges de l’atelier viennent enrichir ces pistes et en ouvrir de nouvelles autour de la question centrale : comment garantir l’accès de toutes et tous à une alimentation durable et choisie , tout en maintenant un cadre AMAP sécurisant pour les fermes ?

Gwenaël, paysan en Haute-Savoie

Je suis maraîcher depuis 2020, installé avec mon associé sur un terrain communal proche d’Annecy. En 2021, nous avons créé LOV’AMAP à la ferme bio de Lovagny. Sur notre territoire en zone frontalière avec la Suisse, les inégalités sont fortes, entre les loyers élevés et le coût de la vie qui va avec. Dès le début, on a voulu que nos légumes soient accessibles, pas uniquement à celles et ceux qui peuvent se le permettre. J’étais inspiré par le film dystopique Soleil Vert et pour moi, le bien manger pour tous·tes c’est au cœur du projet AMAP.

Assez vite, on a travaillé sur des solutions concrètes pour  financer des paniers solidaires sans impacter trop lourdement nos revenus.

Des tarifs différenciés

Pour chaque panier, on propose trois niveaux de prix, laissant la possibilité de prendre le panier à -15% ou +15%. Chacun·e choisit en conscience, sans justificatif. Globalement, les adhérent·es jouent le jeu et même si la majorité des foyers choisissent le tarif de base, à la fin de l’année, l’équilibre économique tient.

L’euro solidaire

On propose aux amapien·nes volontaires d’ajouter 1 € par semaine à leur contrat. Quand au moins 8 personnes le font, cela finance un panier solidaire pour une personne suivie par le Centre communal d’action sociale du coin. Chaque année, on parvient à financer 2 à 3 paniers. À la distribution, tout se passe comme pour les autres paniers, sans distinction ni stigmatisation puisqu’il n’y a pas d’échanges d’argent sur le site.

Le partenariat « Tous dans le même panier »

On nous a proposé de participer à un projet en partenariat avec la Fédération des centres sociaux, la CAF de Haute-Savoie et la MSA, pour des paniers solidaires.  Nous livrons les mêmes paniers qu’aux amapien·nes directement auprès de familles de deux centres sociaux, que nous facturons ensuite. Cela représente environ un tiers de nos paniers soit 25 demi-paniers par semaine.. Cela représente environ un tiers de nos paniers soit 25 demi-paniers par semaine.

Ce dispositif facilite l’accès pour des familles qui n’ont pas forcément la possibilité de se déplacer et permet aussi d’échanger autour du travail agricole, des réussites comme des difficultés. En plus de l’accessibilité économique, on a aussi ici l’aspect pratique !

Retours d’expérience sur ce qui facilite ou complique la mise en place de contrats accessibles.

Les échanges après le témoignage ont montré que la réussite de ces initiatives repose avant tout sur la volonté des personnes à chaque maillon de la chaîne.
 Pour les paysan·nes, cette volonté est un moteur : Gwenaël, par exemple, a intégré l’accessibilité dans ses contrats dès la création de son AMAP. Elle doit aussi exister chez les partenaires, comme les centres sociaux. La volonté politique des communes, départements ou régions est également très déterminante.

Lorsque cette volonté manque, les démarches deviennent fragiles. Laura, en Corse, a mené pendant trois ans une expérimentation de paniers solidaires dans une zone test. Le partenariat s’est arrêté du jour au lendemain : sans une culture AMAP solide et un intérêt des financeurs pour le modèle, le projet était impossible à poursuivre. Laetitia, paysanne dans le Nord–Pas-de-Calais, livre des ateliers de cuisine avec ses paniers et rappelle aussi que ces projets reposent sur les personnes : un centre social engagé sur les questions d’alimentation, un directeur motivé, une cuisinière capable d’adapter ses recettes chaque semaine aux paniers.

Si les participant·es soulignent aussi que l’AMAP n’est pas pour tout le monde – l’engagement demandé peut être difficile selon les situations -, tous·tes conviennent d’une chose : le lien humain est essentiel dans ces projets. C’est lui qui rend ces initiatives durables.  Rencontrer les consommateur·ices (de paniers solidaires ou pas !) permet d’expliquer le fonctionnement de la ferme, ses difficultés, de partager des recettes pour cuisiner les légumes bruts et créer un vrai échange. Ça montre que les légumes bios de qualité, c’est pour tout le monde !

Mélanie, qui a travaillé avec le Secours catholique, l’a constaté : sans ce lien direct, l’initiative s’essouffle. Les légumes typiques des AMAP peuvent devenir un frein s’ils ne sont pas accompagnés d’explications et d’échanges humains.

Pour aller plus loin :

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