Les crises agricoles ne sont pas une fatalité mais résultent de choix politiques, la nouvelle loi doit permettre de réaliser une transition agroécologique et le développement de systèmes alimentaires durables.
Le mouvement des AMAP s’est construit sur la volonté de maintenir une agriculture paysanne respectueuse de l’environnement liée à une alimentation saine et goûtue accessible à toutes et tous. Cette volonté ne vaut pas seulement pour les groupes et fermes en AMAP, mais pour la souveraineté alimentaire de tous les territoires. Si ce maintien dépend en partie de nous, il dépend aussi beaucoup des politiques publiques choisies au niveau national ou européen.
Un choix crucial se joue actuellement dans les débats sur la future Loi d’Orientation Agricole (LOA) qui porte sur le renouvellement des générations, la transition écologique et les réponses à la récente crise agricole. Les choix permettront soit de continuer à soutenir une agriculture passéiste, productiviste et exportatrice, boostée par le tout technologique, les subventions, les engrais et pesticides chimiques, responsable du déclin du nombre de paysan·nes en France et dans le monde, soit de tendre vers un système agroécologique et biologique, résilient et rémunérateur, porté par de nombreuses fermes à taille humaine et plébiscité par la société civile.
Pour faire entendre notre voix auprès du gouvernement et des législateurs, les représentant·es du MIRAMAP, au sein de la coalition ‘Installons des Paysans’, ont rédigé une note de positionnement et sont investi depuis 18 mois dans les concertations, les rencontres, les « comitologies » pour mettre en avant nos propositions et faire passer nos amendements dans la loi. Nous menons une campagne d’information et de sensibilisation : ‘L’agriculture, l’alimentation, la nature : vous les voulez AVEC ou SANS paysans ?’.
Vous aussi, vous pouvez passer à l’action pour faire entendre notre voix en allant rencontrer vos députés et sénateurs qui vont devoir se prononcer d’ici mi-juillet. Cette loi pourrait résoudre à la fois la question de la démographie agricole en chute libre et celle d’une transition agro-écologique urgente pour s’adapter aux changements climatiques.
Les besoins en accompagnement pour l’installation et la transmission des fermes sont immenses
D’un côté, et en conséquence des politiques agricoles qui poussent les fermes à s’agrandir, à s’industrialiser ou à disparaître, environ 200 fermes disparaissent chaque semaine et ce chiffre explosera dans les 10 prochaines années car 50% des agriculteurs prendront leur retraite. Au moment de leur départ, ils ont des difficultés à trouver des repreneurs : comme la transmission n’est plus vraiment intra-familiale, les fermes trop grandes ou trop spécialisées ne trouvent pas facilement de repreneur. Aussi 2/3 des surfaces libérées dans le cadre d’une cessation d’activité viennent agrandir des fermes déjà existantes ou changent de destination (usage non-agricole). Souvent les agrandissements se font au profit de sociétés agricoles financiarisées (voir le dernier rapport de Terre de liens).
D’un autre côté, les vocations existent. Seulement, ces candidat·e·s à l’installation ont une histoire sociale différente. 60% des candidats à l’installation sont des Non Issu du Milieu Agricole (NIMA), 40% des porteurs de projets sont des femmes. Qu’ils soient ou non issus du milieu agricole les personnes qui s’installent sont plus souvent en reconversion professionnelle et sont globalement plus diplômés. Les installations aujourd’hui se font sur des surfaces plus petites (35.6 ha en moyenne en 2018), depuis 10 ans 20% des projets sont en agriculture biologique ou sous “signe de qualité” (AOP, IGP…), et une grande partie souhaite commercialiser en vente directe et circuits court.
Pour ces candidats à l’installation c’est le parcours du combattant. Par exemple : sur les 21 000 candidat·es à l’installation qui ont contacté les Point d’Accueil Installation en 2019, seulement 13 000 ont concrétisé leur installation (source Agreste). Ce taux d’échec est causé par un défaut d’accompagnement pendant l’installation, ce qui pénalise les profils très divers des porteurs de projet, notamment les NIMA. S’ajoute à cela le manque d’accompagnement à la cession des fermes, la difficulté d’accéder au foncier, etc.
Nos propositions pour une LOA qui réponde aux enjeux agricoles
1. Repenser la gouvernance des instances de pilotage et de décision des politiques agricoles, les ouvrir au pluralisme démocratique
Pour massifier les installations, il faut garantir un régime de représentation et de décision pluraliste, dans les instances de pilotage et de suivi des politiques agricoles, notamment celles qui gèrent l’installation et la transmission au niveau national et régional. Réformer les processus de prise de décision en garantissant la transparence et la pluralité dans les débats, assurer la représentativité de tous les acteurs impliqués dans les décisions.
Il faut reconnaître effectivement la diversité syndicale et associative et élargir les organisations présentes aux organisations de protection de l’environnement et de la société civile impliquées dans le développement de l’alimentation et l’agriculture locale, dans les CDOA (Commission Départementale d’Orientation Agricole), les comités techniques et CA SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural) et dans le pilotage du futur France Service Agricole.
Il faut instaurer le pluralisme aussi dans toutes les structures d’accueil et de mise en oeuvre du parcours d’installation (actuellement nommées Point Accueil Installation, Centre d’Elaboration du Plan Professionnalisation Personnalisé, stage 21h, etc.
2. Construire un parcours à l’installation qui réponde aux besoins des futur·es paysan·nes quels que soient leurs profils
L’accompagnement officiel proposé par les Chambres d’Agriculture, sans pluralité d’accompagnement et d’expertises agronomiques et économiques ne permet pas de répondre aux besoins des 60% des candidats à l’installation Non Issus du Monde Agricole qui souhaitent produire et s’installer sur des modèles territorialisés et dans le respect de l’environnement.
Depuis de nombreuses années, nos associations d’agriculture paysanne, les membres d’InPact notamment, proposent un accompagnement personnalisé aux porteur·ses de projet (notamment des NIMA) sur le long terme ainsi que des cédant·es pour leur transmission. Voir https://www.agriculturepaysanne.org/, http://www.reneta.fr/, https://devenirpaysan-idf.org/, https://www.civam.org/, etc.
Il faut faire reconnaitre et soutenir nos associations d’accompagnement, ni représentées, ni rémunérées à la hauteur de leurs actions, alors qu’elles répondent à une demande et à un réel besoin des porteurs de projet dans tous les territoires. On estime que nos organisations paysannes et citoyennes accompagnent à elles seules au minimum 1/3 des installations en France !
Il faut repenser les parcours à l’installation en accompagner aussi la phase d’émergence de projet ; faire connaître et financer l’accès à des dispositifs de formation diversifiés ; adapter les contenus de formation aux nouveaux profils, en mettant l’accent sur la pratique, le partage de savoirs entre pairs, et le développement de pratiques agroécologiques, paysannes et biologiques.
Dans le futur dispositif national, il faut intégrer et financer, à la mesure réelle de leur engagement, la diversité des structures d’accueil et d’accompagnement à l’installation, pour permettre au plus grand nombre de candidat·es à l’installation de trouver les accompagnements répondant à leurs besoins.
Pour répondre à la diversité des profils (plus de 40 ans, femmes) et aux nouvelles formes d’installations (entrepreneurs-salarié·es, membres d’une CAE / SCOP / SCIC), il faut garantir sur tout le territoire l’ouverture aux dispositifs de soutien financier à l’installation.
3. S’engager résolument dans la transition agroécologique, seule capable d’assurer l’avenir face aux dérèglements climatiques dans l’intérêt général
Nous voulons une agriculture fondée sur l’autonomie agronomique et décisionnelle pour ses travailleurs (et donc sur le développement de système en agroécologie), une agriculture qui génère des emplois non-délocalisables et qui permet une dynamique rurale.
La loi et les finances publiques doivent soutenir les projets qui permettent une alimentation saine, de proximité, éthique et sur les fondamentaux de l’agroécologie paysanne dont l’agriculture biologique. Le corolaire de ce choix politique c’est l’arrêt de systèmes de productions déconnectés des besoins des territoires des mangeurs et des réalités environnementales. Ils s’appuient sur des intrants chimiques et des produits phytosanitaires importés alors que l’extraction et l’épandage produisent des dégâts sur les sols, la biodiversité, l’eau, l’air…
Il faut repenser les critères d’évaluation de la performance des fermes et d’accès aux aides publiques, pour qu’ils soient réservés au développement de pratiques réellement agroécologiques.
Et surtout repenser la définition de “l’actif agricole” pour assurer l’octroi des aides publiques aux personnalités juridiques dont l’activité agricole est effective
Plus de détails sur les propositions de nos associations et réseaux d’accompagnement. Voir aussi la lettre d’info n°29 du Pôle InPACT et le rapport du CESE sur le renouvellement des générations.
Agissez avec nous !
Il faut contrer les reculs politiques favorisant une agriculture sans paysans. Ne laissons pas la LOA donner toutes les cartes à la FNSEA qui gère la majorité des Chambres d’Agriculture. Mettons fin aux recettes du passé qui nous ont amené à un désastre démographique et une situation sociale funeste : un suicide tous les deux jours, un manque de revenu, des problèmes environnementaux et une charge de travail considérable éprouvant vie sociale et familiale.
Pour passer à l’action et faire entendre notre voix, vous pouvez aller rencontrer les députés et sénateurs qui vont avoir à se prononcer d’ici mi-juillet. Le réseau des AMAP francilienne a mis au point une fiche comportant le calendrier du projet de loi, comment trouver vos élu·es, des outils et conseils pour les solliciter par mail ou physiquement, des modèles de lettres à envoyer bien au-delà du 13 mai puisqu’il y aura probablement une commission parlementaire paritaire en juillet.
Nous attendons des parlementaires qu’ils et elles adoptent les amendements nécessaires pour que la loi permette d’atteindre ses propres objectifs. Et le répétons : sans paysannes et paysans nombreux, la transition agroécologique et le développement de systèmes alimentaires durables resteront des vœux pieux.
Vous trouvez des détails, des conseils et des liens pour agir ici, ainsi que des webinaires pour vous accompagner les 22 mai (20h-22h), 27 mai (20h-22h) et 3 juin (18h-20h).
Evelyne, administratrice et porte-parole du MIRAMAP