L’eau est un bien commun et doit le rester !

Les usages de l’eau doivent faire l’objet de délibérations démocratiques ouvertes. Ainsi, le MIRAMAP s’associe aux organisations qui demandent un moratoire sur toute construction de « méga-bassines » dans les Deux-Sèvres ou ailleurs. La création de ces réservoirs géants d’eau opposent de nombreux paysans et autres usagers de l’eau à un petit nombre d’exploitants addicts à des productions agricoles (maïs, etc.) inadaptées aux nouvelles conditions climatiques : il ne s’agit pas d’un « monde paysan » agressé par des manifestants.

Méga-bassines : une solution court-termiste inadaptée aux défis de demain

A première vue, faire des réserves avec l’eau abondante de l’hiver pour l’utiliser l’été semble du bon sens, mais c’est une fausse « bonne idée », un piège pour éviter de regarder la catastrophe venir. Il ne s’agit pas d’eau de gouttières pour des jardins, mais de la pluie qui tombe sur toute une région avec la complexité de son cycle de l’eau, de sa biodiversité, de ses divers usages agricoles et non agricoles.

En AMAP, nous voulons choisir notre alimentation et l’agriculture qui la produit. Nous œuvrons à une généralisation des pratiques agroécologiques qui respectent les sols, le cycle de l’eau, la biodiversité, l’air, la santé des consommateurs, qui créent des emplois et donnent vie aux zones rurales. A travers les fermes de nos AMAP nous savons que, pour faire face aux changements climatiques, les transformations doivent être profondes. Nous ne pouvons pas laisser se perpétuer les dégâts causés par les modèles agricoles conventionnels alors que les dérèglements climatiques et ses sécheresses s’abattent sur toute la société.

L’agriculture est au centre des enjeux vitaux du 21e siècle, pour le climat comme pour l’alimentation. Les transformations ne peuvent pas rester à la seule charge des paysans, c’est un problème de société, de citoyenneté. Cela oblige tout un chacun à agir individuellement et collectivement pour changer nos modes de vie et de travail et engager une manière de vivre faite de sobriété, de justice sociale et d’une nouvelle relation au vivant.

Les méga-bassines en pompant l’eau des nappes phréatiques coupent sa circulation dans tout l’écosystème à laquelle elle appartient : aux sols, aux rivières, à la biodiversité, aux activités humaines qui en dépendent tout le long du cheminement de l’eau jusqu’aux bords de mer. De plus, ces eaux maintenues en surface sont gaspillées par une forte évaporation, au lieu d’être stockées dans des sols vivants.

L’eau comme enjeu politique, sociétal et citoyen

L’eau, cette ressource naturelle vitale pour tous, ne peut être appropriée par une infime minorité d’exploitations agricoles régionales au risque de mettre en danger les autres utilisateurs. Pendant les périodes d’été secs, les arrêtés préfectoraux qui interdisent ou restreignent l’usage de l’eau toucheront tout le monde sauf quelques privilégiés qui auront accès aux méga-bassines. On est très loin de l’eau « patrimoine commun de la nation » de la loi sur l’eau.

L’eau est un sujet politique plus qu’agricole, qui relève de l’intérêt général. L’argent public doit servir à accélérer la mutation de l’agriculture vers l’agroécologie qui a fait ses preuves face aux dérèglements climatiques. Les solutions se trouvent dans le développement de pratiques permettant de faire du sol ce qu’il est censé être : le principal réservoir d’eau. Ces pratiques sont multiples : développer la matière organique des sols, planter des haies et des arbres, maintenir et restaurer les prairies et zones humides, varier les assolements, sortir de l’usage des intrants chimiques… Elles permettent de limiter le ruissellement de l’eau au profit de son infiltration.

L’argent public doit servir à aider les fermes qui s’engagent à changer radicalement leurs pratiques agricoles, à soutenir celles qui sont déjà engagées. Pas à financer les fausses solutions de court-terme, même appuyés des syndicats des professions agricoles et des filières agro-alimentaires, même quand elle sont soutenus par l’État qui pense acheter ainsi la paix sociale.

Le partage de l’eau est chaque jour davantage une urgence nationale, il doit faire l’objet d’un débat démocratique territorial sur des sujets larges comme : irrigation agricole et eau potable, vie des sols et biodiversité, sécurité alimentaire et avenir local, etc.

L’eau ne doit plus servir à la culture de maïs pour engraisser des animaux enfermés dans des usines d’élevage industriel pour faire de la viande de basse qualité pour la malbouffe de la grande distribution qui rend malade une partie de la population. L’eau des Deux-Sèvres doit servir au territoire plutôt qu’aux productions exportées, elle doit être utilisée pour des productions et pour une alimentation adaptée aux nouvelles conditions climatiques.

Mobilisons-nous en AMAP !

Nous avons entamé ces mutations avec nos partenariats en AMAP mais il faut aller plus loin. Aussi nous encourageons tous les amapiens et paysans en AMAP à débattre de ces sujets vitaux et à soutenir les paysans qui protestent contre les méga-bassines, aux côtés de la Confédération Paysanne, des Soulèvements de la Terre et de Bassines non Merci.

Enfin, nous avons une pensée pour les victimes de ces journées de manifestation, nous saluons le courage et la détermination de ceux qui étaient à Sainte-Soline les 29 et 30 octobre pour faire émerger une agriculture d’avenir.

Solidairement,
Le collectif du MIRAMAP

Sources

  • Tribune des paysans des Deux-Sèvres dans Reporterre
  • Interview de Nicolas Girod sur France-Inter
  • Vidéo d’Emma Aziza, hydrologue dans Que du bon sens
  • Article de Magali Reghezza, géographe et membre du Haut Conseil pour le climat (HCC), et Florence Habets, Directrice de recherche CNRS en hydrométéorologie et professeure à l’École normale supérieure (ENS), sur le site Le Bon Pote : « On traite les symptômes (pénurie d’eau) au lieu de s’attaquer à l’origine du problème (déséquilibre entre les besoins et la disponibilité de la ressource) à ses racines (pratiques, usages, partage). »
  • Article 1er de la loi sur l’eau de 1992 : « L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général (…) »
  • Site des Soulèvements de la Terre
  • Site des Bassines Non Merci
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