Alors que nous entrons dans la seconde phase du dé-confinement, que se passe-t-il dans les AMAP, sur les fermes, dans les réseaux d’AMAP et dans les territoires ? Quelles réussites ou difficultés rencontrées ? Quelles solutions trouvées ? Quels questionnements aujourd’hui ?
Petit tour d’horizon de la situation, partage d’expériences et recommandations. Cet article du 04 06 2020 est le fruit d’échanges entre des bénévoles du MIRAMAP de différents coins de France, et des retours d’expériences écrits d’AMAP et réseaux d’AMAP.
Au sommaire :
→ La poursuite des mesures prises pour les livraisons est nécessaire.
→ Convivialité, participation, entraide : masqués mais motivés et avec le sourire … des yeux !
→ De nouvelles adaptations à prendre en compte
→ L’entraide entre AMAP, le partage de ressources et la recherche de solutions au cœur des dynamiques des réseaux d’AMAP
→ L’arrivée de nouveaux amapiens ou paysans pendant le confinement va-t-elle se poursuivre ?
→ Mobilisation citoyenne : masqué.es mais pas muselé.es
La poursuite des mesures prises pour les livraisons est nécessaire.
Premier son de cloche : le déconfinement ne semble apparemment pas avoir changé grand chose dans les modes d’organisation des livraisons trouvés par les AMAP lors du confinement.
Dans les départements encore ‘en orange’ la vigilance est très forte pour poursuivre les mesures de distanciation physique et d’hygiène. Ailleurs les mesures prises par les AMAP se maintiennent.
Nous insistons aujourd’hui sur l’importance de poursuivre ces mesures spécifiques à l’heure où la pandémie est encore d’actualité.
Les kits de consignes sanitaires travaillées au sein des réseaux d’AMAP (ex : en IDF, des Hauts-de-France) et le guide du Ministère du travail, étant des outils précieux pour aider à s’organiser.
Rappel des adaptations de l’organisation des livraisons en AMAP : livraison en plein-air, sens de circulation, élargissement de la plage horaire, préparation des paniers en amont, gestes barrières, organisation en ‘drive’, … Retrouvez un article du réseau AMAP IDF ‘Témoignages, expériences : retour sur confinement passé’ qui retrace des premiers grands enseignements de confinement en AMAP dans cette région
Nous souhaitons féliciter tous les efforts collectifs déployés jusqu’ici pour maintenir au maximum les livraisons des AMAP sur le territoire et faire vivre la solidarité qui est au cœur du projet AMAP. Chapeau bas à toutes les équipes de bénévoles des ‘bureaux’ ou ‘collectifs’ des AMAP et aux paysans.
Dans certaines AMAP, des tensions sont apparues entre partisans de l’application de consignes sanitaires sérieuses et partisans du relâchement et du retour au monde « comme avant ». Nous espérons que le dialogue permettra d’établir des principes d’organisation collective qui prennent en compte les besoins de chacun ! La situation sanitaire globale implique une certaine prudence variable d’une région à l’autre, bien sûr.
Convivialité, participation, entraide : masqués mais motivés et avec le sourire
‘Distanciation physique’ ne veut pas dire ‘distanciation sociale’ malgré l’amalgame souvent fait. C’est certain, la convivialité au sein des AMAP a été mise à mal, le ‘drive’ étant la forme les plus impersonnelle de livraison qui soit, malgré le sourire des équipes. Pour autant nous recueillons de nombreux retours sur les liens qui se sont maintenus, ‘cela a même permis à certains de se découvrir voisins’, les discussions dans la file d’attente, l’entraide pour livrer à domicile les paniers aux plus vulnérables et aussi par exemple la participation plus importante d’amapiens lors de réunions à distance. Comme une prise de conscience plus forte de la raison d’être de l’AMAP…
Recueillir l’avis de chacun –amapien et paysan, sonder, se concerter, communiquer sont des pratiques participatives essentielles en AMAP pour bâtir du commun. Face à une situation aussi complexe, nous constatons que les équipes bénévoles ont redoublé d’effort pour ré-organiser collectivement la vie de l’AMAP en prenant le téléphone (faute de pouvoir faire des réunions en présentiel) et en faisant en sorte que chacun puisse prendre part aux questionnements. Autant de ‘bonnes pratiques’ à cultiver par la suite !
« À 10 maximum, on peut enfin s’attarder et papoter avec masque et distance d’un m. » N’étant plus aussi contraint, on observe que des petits cercles de discussions se créent à nouveau lors des livraisons.
Certaines AMAP se sont mobilisés pour soutenir des familles en précarité alimentaire et un chantier interrégional Accessibilité démarre. Lire article
Cette 2ème étape du déconfinement, c’est aussi la possibilité de retourner plus facilement sur les fermes. Nombre d’ateliers pédagogiques et de coups de main à la ferme ou visite de ferme avaient été annulés, bien que certains les aient quand-même été maintenus en adaptant l’organisation.
La solidarité avec les fermes qui ont rencontré des difficultés de production a été aussi très présente. Dans le Tarn par exemple, Wil nous explique qu’ils ont « pu aussi aider un maraicher d’une de nos AMAP à remonter la pente financièrement suite à une inondation de ces terres… » ou encore en PACA, « les 5 AMAP de la Côte varoise (83) ont soutenu leur maraîcher qui a fait face à un problème de production et n’a pu livrer ses groupes pendant le mois d’avril. Les amapiens sont majoritairement restés fidèles et ont renouvelé leurs contrats pour la nouvelle saison. Même situation pour l’AMAP Mouans Sartoux et leur maraîcher (06) ». La crise aurait pu faire oublier les aléas de production et climatiques que peuvent rencontrer les paysans, plus forts ces dernières années avec les dérèglements climatiques. Mais non, en AMAP, c’est un des fondamentaux et on ne l’oublie pas !
De nouvelles adaptations à prendre en compte
La reprise partielle des activités économiques – et donc la reprise du travail pour nombre d’amapien.nes, etc. – ne permettra peut-être pas de maintenir totalement cette nouvelle organisation, mais on vous fait confiance pour trouver de nouvelles solutions adaptées à vos problématiques spécifiques.
Nous vous invitons à faire en sorte que ces changements influent le moins possible sur le temps habituel que les paysan.nes passent pour la livraison. Certains paysans avaient opté pour préparer eux-mêmes les paniers sur la ferme, par souci d’assurer un niveau important d’hygiène et selon les productions (exemple sur la production d’œufs) ou encore pour des raisons techniques comme par exemple le nouveau lieu de livraison d’une AMAP en extérieur ne permettait plus l’accès à l’électricité pour brancher les balances et rendait impossible la préparation sur place. De nombreux retours qui nous parviennent mettent en évidence le lourd impact sur le temps de travail des paysans qui, en cette période de pleine saison, ne cesse d’augmenter. Avec le déconfinement, reprendre la préparation des paniers avec l’appui des bénévoles avant l’heure d’arrivée des amapiens et sur le lieu de livraison peut permettre de réduire cette charge tout en respectant les gestes barrières.
Pour certaines AMAP, maintenir la livraison dans le nouveau lieu trouvé lors du confinement ou changer encore de lieu sont des questions qui peuvent à nouveau se poser. Exemple : en Bourgogne, une AMAP avait pu s’installer sur un parking mis à disposition par la collectivité pour un temps limité suite à la fermeture de l’école où elle livrait habituellement. L’école est toujours fermée et l’autorisation d’être sur ce parking arrive à échéance. A 2 jours de leur livraison, ils ne savent toujours s’ils vont pouvoir y rester. On observe des incertitudes similaires en Ile de France où des AMAP s’étaient installées avec autorisation sur l’espace public. La reprise des travaux publics les oblige à trouver de nouvelles solutions…
Poursuivons les échanges et l’entraide entre AMAP, en réseau !
L’entraide entre AMAP, le partage de ressources et la recherche de solutions au cœur des dynamiques des réseaux d’AMAP
Saluons ici l’importance des démarches collectives menées par les équipes des réseaux d’AMAP pour assurer l’obtention des autorisations administratives et appuyer les groupes d’amapiens et paysans dans la recherche de solutions en croisant les expériences et bonnes pratiques. Les remerciements formulés par nombres d’AMAP aux réseaux locaux ou au MIRAMAP mettent bien en lumière l’importance de s’organiser entre AMAP d’un même territoire. Pour celles et ceux qui en doutaient, nous espérons que cette situation exceptionnelle aura permis de mieux comprendre les missions des réseaux locaux et, dans les territoires où il n’y a pas de réseau constitué, de poursuivre la dynamique de mise en réseau des AMAP.
« Il a été important de pouvoir échanger avec les autres AMAP à travers la liste d’échange du Miramap pour légitimer la poursuite des livraisons alors que les marchés étaient fermés. » Monique de l’AMAP des Platanes (31)
Le réseau francilien a rédigé lors de la première étape du déconfinement, un courrier au nom du Réseau IdF à transmettre aux mairies qui peut être une bonne source d’inspiration pour l’adapter dans les différents réseaux et territoires.
L’association de nouveaux amapiens ou paysans pendant le confinement va-t-elle se poursuivre ?
Lors de la période de confinement, des AMAP ont pu accueillir des nouveaux amapien.es, sur des contrats de courte durée (contrats dits ‘ponctuels’ ou ‘éphémères’ selon les endroits), sur des contrats de longue durée ou sur des listes d’attente. Signalons aussi le démarrage encourageant d’une jeune AMAP et création prochaine d’une nouvelle AMAP à Albi (Tarn) ou encore les premières livraisons en avril d’une nouvelle AMAP en Haute-Normandie.
Autres tendances observées : changement des tailles de paniers contractualisés par les amapiens. Coté paysan : augmentation des volumes de production livrés en AMAP et/ou de la fréquence de livraison et/ou accueil de nouveaux paysans partenaires ayant perdu des débouchés.
Un questionnement de fond : Le grand courant de sympathie que les AMAP ont rencontré lors du confinement se poursuivra-t-il ? Ou serait-ce seulement une forme d’opportunisme sans suite ? Que vont devenir ces ‘contrats éphémères’ ?
Dans une AMAP en Bourgogne sur les 28 nouveaux contrats dits ‘éphémères’, 22 amapien.nes ont accepté de renouveler. Dans une autre AMAP près de Toulouse, l’intégration de nouveaux amapien.nes en cours de contrat était acceptée seulement si ces dernières s’engageaient aussi sur la prochaine saison. La plupart ont accepté cet engagement.
Ce sont deux premiers ‘bons signaux’. Il sera nécessaire de faire un état des lieux, dans quelques mois, pour avoir une meilleure compréhension de la situation. Rendez-vous à la rentrée !
Mobilisation citoyenne : masqué.es mais pas muselé.es
Avec la préparation du déconfinement et la construction du plan de relance, de nombreuses voies s’élèvent pour porter à la connaissance du grand public et des pouvoirs publics des propositions pour transformer notre société. Il y a eu et il y encore pléthore de tribunes, communiqués de presse, interventions publiques, articles, émissions, etc. et à un rythme effréné.
Le MIRAMAP en a co-signé certaines et/ou relayé d’autres (voir site) et poursuit ses coopérations (rubrique ’partenariats’).
Dans certaines communes et communauté de communes, le second tour des municipales se prépare et suscite beaucoup de questionnements.
Pas évident de se mobiliser dans le contexte actuel et aller interpeller les candidats pour qu’ils signent le PACTE de la TRANSITION auquel le MIRAMAP s’est associé depuis l’année dernière en écho de dynamiques locales.
Pour autant, il ne faudrait pas lâcher. La crise sanitaire a mis en lumière l’aspect essentiel de l’alimentation et de l’agriculture dans nos vies. A l’échelle locale, les citoyens peuvent influer pour des transformations fondamentales : installer de nouvelles fermes, soutenir le revenu des paysans, lutter contre l’étalement urbain, permettre l’accès à tous à une alimentation de qualité, respecter l’environnement….
Cet article est l’occasion de présenter de nouvelles coopérations entre associations et organisations ou syndicats agricoles, créés tout récemment pour soutenir une alimentation locale et solidaire. Les réseaux d’AMAP étant parties-prenantes.
Par exemple dans le Jura et alentours avec le Collectif Pour une alimentation locale et solidaire. Lire l’article
Dans le Tarn, a démarré une réflexion avec Nature et Progrès, La Conf’, le Réseau des AMAP du Tarn et une association locale. Ensemble ils « lancent une foncière sur le modèle de Terre de liens mais en mode décentralisé et autonome (Albi Ville Comestible et Terre Citoyenne Albigeoise, si vous voulez prendre des parts, c’est ici : https://terrescitoyennes.org/), on a commencé par une conférence de presse mais le boulot reste à faire pour tendre (avec d’autres partenaires) vers des Etats Généraux de l’alimentation (voire de la filière agricole) dans le Tarn à l’automne ». Relocaliser ok, mais comment et avec qui ?! »
Cette dynamique était déjà présente dans certains territoires : Abiosol en Ile de France, les pôles InPACT départementaux ou régionaux …, aujourd’hui elles se déploient. Cette voie collective et inter-organisations est à cultiver très largement !
Magali, avec la relecture précieuse d’Evelyne