Cycle d’échanges entre paysan·nes en AMAP #7 : j’aimerais changer mon fonctionnement en AMAP et je m’intéresse au partage de récolte

Lors de ce 7e échange, nous avons abordé la question du fonctionnement du ‘partage de récolte’, un système en AMAP visant la rémunération du travail en calculant le montant d’une part de récolte – la part de récolte correspondant à ce que le paysan met en culture sur une saison ou une année pour un amapien·ne ou une famille. Chaque famille prépaye alors une part annuelle de la production du paysan. Mais comment est déterminé ce prix d’une part de récolte ? Et permet-il vraiment aux fermes de vivre décemment ? Des paysan·nes et animatrices de réseaux d’AMAP ont échangé autour de la question.

Partage de récolte : les fondamentaux

Passer à un système basé sur le partage de récoltes, c’est s’extraire des logiques de marché, c’est prendre comme base de définition le coût de la rémunération équitable du travail. Le prix d’une part est donc fixé en fonction du travail et de l’ensemble des charges d’exploitation et non sur les prix du marché.

Dans un premier temps, il faut que la ferme calcule la totalité de ses charges, à savoir l’amortissement de son outil de production, le matériel et le carburant, les frais liés à l’outil de production (semences, plants…) mais également les frais généraux (eau, électricité..) et enfin les frais personnes (salaires, cotisation sociales…). Ce calcul de charge lui permettra de voir quel chiffre d’affaires il doit réaliser pour couvrir l’ensemble de ses frais et pouvoir se rémunérer. Puis il lui faudra diviser ce chiffre d’affaires par le nombre de familles qu’il/elle estime pouvoir approvisionner avec ses légumes sur une année. Le résultat correspond alors à une part de récolte, qui représente un pourcentage de sa récolte annuelle :

Charges globales de la ferme + juste rémunération du paysan / nombre de part de récolte (amapien·nes) = prix de la part de récolte

Même si de nombreux·ses paysan·nes font le choix de ne pas se diriger vers un fonctionnement en part de récolte, il est toujours bon de faire le calcul à l’installation ou à des moments clefs de changement de situation de la ferme ou lors d’augmentation de charge significative (comme actuellement avec la guerre en Ukraine). Cela permet d’avoir conscience de ce que vaut réellement sa production, se réapproprier un peu ces chiffres, définir ce vers quoi tendre et informer les amapien.nes sur les besoins économiques de la ferme.

AMAP et autres circuits de vente : comment faire le calcul ?
Il est courant que des paysan·nes aient plusieurs autres débouchés que l’AMAP. Comment alors faire le calcul pour estimer à quel prix sera la part de récolte ? Des outils sont proposés par plusieurs réseaux d’AMAP afin de prendre en compte tous ces paramètres : n’hésitez pas à les contacter !

Le partage de récolte en pratiques

Térésa est maraichère en Seine-et-Marne et installée depuis janvier 2022 en tant que paysanne en AMAP. Alors qu’elle avait fait un premier prévisionnel à 11€ par panier en se basant sur les mercuriales, elle a fait évoluer le prix de son panier suite à une formation sur le calcul de la part de récolte avec le Réseau des AMAP Ile-de-France pour ses 120 adhérents en le passant à 24€ avec le calcul en part de récolte.

Elle évoque en revanche un écart entre les projections avec des parts de récolte et le panier réel des adhérents : les paniers en part complète ne correspondent plus forcément à la demande des amapien·nes ; il y a trop de légumes pour certain·es, la majorité des amapien·nes prennent des paniers en demi-parts ou des parts en quinzaine. Elle propose donc désormais un petit panier à 13€, un moyen à 18€ et, pour les amapien·nes qui souhaitent prendre un grand panier, deux petits paniers qui leur reviennent à 26€ par semaine. Elle constate aussi qu’avec la diversification des publics en AMAP ces dernières années (retraités, étudiants, jeunes actifs…), il est désormais moins évident d’être sur un système de part complète dans la pratique.

A chaque paysan·ne son système en fonction de son exploitation, son nombre d’amapien·ne, la localisation de son AMAP (de nombreuses disparités existent entre AMAP urbaines et rurales)… Sébastien, maraîcher dans les Bouches-du-Rhône, fonctionnait lui aussi avec des grands paniers avant de se rendre compte qu’ils représentaient trop de légumes pour ses amapien·nes. Désormais, parmi ses 145 paniers, la majorité des amapien·nes choisissent des petits paniers ; il continue toutefois à proposer des grands paniers en faisant un effort de prix.

Autres exemples : en Île-de-France, une ferme a adopté un prix de panier unique à 16€. Beaucoup de personnes sont passées du petit au moyen panier. Les paysans de cette ferme se rendaient compte qu’ils passaient presque autant de temps à produire un petit panier qu’un grand panier. Ils passaient également beaucoup de temps à réfléchir à des paniers cohérents pour les petits et les grands, pour ne pas faire trop de découpe. A titre d’exemple, ils passent le même temps à produire un petit chou (pour un petit panier) qu’un grand chou (pour le grand panier). Car oui, sur une planche, il y a des petits et des grands choux ; surtout lorsque l’on utilise des semences paysannes : il n’y a pas forcement une uniformité des légumes ! En Auvergne-Rhône-Alpes, de nombreux·ses paysan·nes fonctionnent avec des petits, moyens et grands paniers. Pour les grands paniers, la composition de base du panier reste la même mais le panier contient une plus grande diversité d’aliments.

La part de récolte dans un contexte d’inflation

Depuis plusieurs mois, la guerre en Ukraine impacte de nombreux secteurs et entraîne une flambée des prix : céréales, engrais, carburant, électricité… Ces hausses impactent directement les paysan·nes en AMAP (qui voient leurs charges augmenter) et par conséquent les prix pour les amapien·nes. En moyenne, dans certains réseaux d’AMAP comme celui d’Ile-de-France, les paysan·nes ont augmenté de 1€ à 2€ leurs nouveaux contrats en septembre.

Pour Sébastien, il n’y a pas d’autres choix que de suivre les prix du marché, car même pour les amapien·nes les plus engagés, il existe des fragilités économiques. Il a rajouté 50 centimes au prix de ses paniers et va devoir faire le choix entre prendre sur son revenu ou le répartir sur ses contrats : « C’est un équilibre à trouver car si j’augmente trop mes paniers les amapien·nes ne vont pas pouvoir me suivre et vont partir… ! »

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