Le 7 novembre, le 8e rendez-vous du cycle d’échange entre paysan·nes en AMAP a été consacré à la question de l’accessibilité des paniers en AMAP à tous les publics. Les récits d’expérience de plusieurs maraîcher·ères ont permis d’esquisser différentes formes de projet liées à l’histoire des groupes AMAP (du don de panier à une association à la mise en place de prix différenciés de paniers ou de paniers à tarifs accessibles / subventionnés) ainsi que les valeurs fortes qui sous-tendent ces projets.
« Mon but, c’est de nourrir tout le monde » – Stéphane, maraîcher dans le 77
Dans l’AMAP de Stéphane, c’est un système de prix différenciés de paniers qui a été mis en place. Le prix du panier est fixé à 20 euros mais la possibilité est laissée aux personnes qui n’ont pas les moyens suffisants de choisir un panier à prix solidaire à 10 ou 15 euros. La différence est prise en charge par l’AMAP via les cotisations, il s’agit ainsi d’une solidarité interne au groupe.
Un bémol : malgré la prise en charge financière, il n’est pas si simple de trouver des foyers prêts à rejoindre le système de l’AMAP avec toutes ces dimensions (distribution chaque semaine, légumes non choisis, engagement sur une durée longue…) et sans l’implication d’un acteur social associatif ou institutionnel. Aujourd’hui ce sont 2-3 familles, identifiées au sein du Centre Communal d’Actions Sociales (CCAS), qui participent à l’AMAP.
« Même si nos projets ne touchent pas assez de personnes pour lutter contre la précarité alimentaire, ils sont indispensables : ils permettent de mobiliser un collectif sur cette problématique »
En Auvergne-Rhône-Alpes, Bénédicte mentionne au moins 15 AMAP accompagnées dans des projets, avec un nombre de familles accueillies qui varie en fonction des financements et de l’implication des bénévoles et du partenaire social.
Mayi, maraîchère dans le 69, nous parle de l’AMAPopote, une AMAP implantée dans un quartier populaire de Lyon qui a toujours eu beaucoup d’adhérent·es – environ 70 – avec des profils très divers : beaucoup d’étudiant·es, des personnes seules, des familles…
Tous les 6 mois, au moment du renouvellement de contrat, les personnes cochent le prix du panier correspondant à leur revenus. Personne ne sait qui paie quoi et tout le monde participe à la vie de l’AMAP. « On se mélange bien tous », « il y a de la discrétion vis-à-vis des amapiens qui sont en contrats solidaires ». Depuis le premier confinement, un centre social est impliqué dans le projet avec 9 familles qui bénéficient d’un tarif subventionné pour un panier de légumes, de fruits et de pain.
« On rencontre des gens qui n’auraient pas adhéré à une AMAP, qui ne seraient pas venus vers nous » – Cyrielle maraîchère en Isère
Travailler en partenariat avec un acteur social, CCAS, association, permet de toucher un public éloigné de l’AMAP. Cyrielle, maraîchère et Chloé du réseau des AMAP Isère présentent le projet mené avec la CAF et la MSA pour répondre à l’augmentation de la précarité alimentaire de certaines familles pendant le confinement et des difficultés des agriculteur·trices pour écouler leur production. Aujourd’hui, 7 AMAP sont impliquées dans ce projet, elles sont en partenariat avec un centre social qui identifie et accompagne les familles ainsi qu’avec la CAF et la MSA qui complètent la part du prix du panier pris en charge par les personnes. Le projet continue à essaimer avec 3 AMAP intéressées pour s’y engager en 2023.
Chaque projet a une histoire différente. Ainsi, l’AMAP de Roussillon a été créée par la volonté du réseau Isère et de la CAF et de la MSA de mettre en place des AMAP accessibles à des familles/personnes avec de petits revenus. Le rôle du centre social a ainsi été déterminant pour la réussite de l’AMAP, « la coordinatrice du centre social rencontre les familles, fait le suivi avec chacune d’elle individuellement », cette implication a permis aux personnes d’adhérer au projet.
Au départ le panier était gratuit mais par la suite « la mise en place du paiement a permis aux gens de s’engager et de créer une relation au-delà du panier à prix réduits ». La maraîchère Cyrielle témoigne : « maintenant, on a l’ambiance AMAP : on les connaît, ils nous connaissent, le centre social met beaucoup d’animations en place autour de ça » (atelier cuisine, publication de recettes…).
L’AMAP est maintenant ouverte pour tout public : il existe 6 tarifs différents en fonction de la taille du panier choisi et des revenus. Le coût du panier est pris en charge en partie par les amapien·nes et le résiduel par la CAF et la MSA (la CAF et la MSA verse une subvention au centre social partenaire du projet, qui reverse alors le résiduel au paysan, sous présentation d’une facture).
Cyrielle évoque une difficulté « comme c’est une AMAP créée pour les contrats solidaires, on a du mal à ouvrir à d’autres producteurs », car seuls les légumes et les fruits sont subventionnés et pas les autres produits, ce qui peut créer un malaise. Cyrielle garde ainsi un souvenir douloureux des distributions communes avec une autre AMAP plus classique, mises en place pour faire face aux restrictions liées à la crise sanitaire : certaines personnes avaient accès à l’ensemble des produits et les autres non. « Quand on a mis ensemble les deux livraisons, ça faisait ’AMAP de riches / AMAP de pauvres’, c’était désagréable à vivre ».
Clés de réussite pour créer des contrats accessibles en AMAP
Nous constatons que le rôle de l’acteur social est primordial, c’est lui qui connaît le mieux les personnes/familles qui pourraient participer à une AMAP et qui peut les accompagner et faciliter leur participation : appel des familles dans un premier temps pour rappeler les distributions, échanges sur les légumes et la manière de les cuisiner, réflexion sur le prix à payer…
Nous dégageons de cet échange plusieurs clés de réussite, notamment l’interconnaissance entre les acteurs de terrain et un même niveau d’implication, la construction d’un modèle économique adapté, l’inclusion des personnes à l’AMAP comme tout autre adhérent·e, l’implication du groupe AMAP et d’un noyau solide d’amapien·nes, de l’acteur social et des paysan·nes. Car l’initiative de créer des contrats accessibles peut venir également des paysans et paysannes en AMAP !