Réunis le 17 septembre 2019 à Paris, les membres du Conseil d’Orientation du Miramap ont été invités à s’exprimer sur la méthode, le diagnostic, la vision et les axes du Projet stratégique du Mouvement des AMAP, et aussi sur les perspectives de collaboration avec le Mouvement des AMAP.
Vous trouverez ici une synthèse des échanges de cette journée où se sont croisés regards et analyses de sociologues, économistes, chercheurs et militants d’organisations partenaires, mettant en avant l’« essentiel » pour l’avenir du Mouvement des AMAP et les sujets qui font débat autour de la place et du rôle des AMAP.
• L’essentiel pour l’avenir du mouvement des AMAP : les points forts de convergences des idées
- Développer une forme de Système de Garantie Participatif (SPG) adapté aux AMAP
- Affirmer haut et fort et garder comme ligne directrice : la co-production et le partage du risque
- Accompagner les actions locales en faveur de l’alimentation (Projets Alimentaires Territoriaux notamment)
- Hiérarchiser les partenariats, construire des alliances fortes et mutualiser en particulier avec : InPACT, Mouvements de la souveraineté Alimentaire, Collectif pour une Transition Citoyenne, Mouvement pour l’économie Solidaire, Plateforme EGA, Plateforme Pour Une Autre PAC, Agir Pour l’Environnement.
- Les thèmes fondamentaux à développer au sein du Mouvement des AMAP : l’installation des paysans, la reconquête de l’autonomie des fermes, le foncier, la justice sociale, le défi climatique.
Développer un Système de Garantie Participatif (SPG)
Les démarches d’évaluation des pratiques sont inscrites dans la charte des AMAP et ont été développées par plusieurs réseaux d’AMAP, mais on constate des difficultés importantes à les mettre en place dans la durée.
Plusieurs membres du CO ont insisté sur l’importance de cette forme de garantie, en interne et aussi en externe.
« La garantie est fondamentale pour les 2 partenaires et pour aller vraiment vers une évolution des pratiques. »
« C’est bien l’alliance qui doit être sécurisé avec l’amélioration des pratiques, notamment la question du prix rémunérateur. »
« C’est aujourd’hui ce qui manque comme outil concret pour accompagner la charte des AMAP. »
« On soutient l’agroécologie paysanne : l’objectif est de changer de système, un des principaux moyens est la certification bio ou SPG (N&P). Mais il y a un boulot à faire pour tirer vers le haut, y compris les bios, la certification ne suffit pas. »
« Il ne doit pas s’agir d’un contrôle, mais d’un accompagnement, le SPG est un outil d’éducation populaire. Le mouvement est mûr aujourd’hui pour remettre ça comme chantier prioritaire car il répond à beaucoup de nos orientations. »
Accompagner les actions locales
Les Projets Alimentaires Territoriaux ont souvent été cités, avec l’enjeu de travailler la place des AMAP.
« L’enjeu est de travailler davantage sur les processus que des outils comme les AMAP permettent de mettre en place : par exemple des Cantines, qu’est ce qu’on veut : bio, bio et local, installer des paysans … »
« On est dans un virage sur le fond. Quelle place doive prendre les AMAP ? Le rôle premier est de s’impliquer sur les questions agricoles sur le territoire, notamment sur des questions très concrètes »
« Il est nécessaire de dépasser la relation univoque, autarcique au sein d’une AMAP…. Promouvoir les échanges entre AMAP, les actions à l’échelle du territoire, inter-AMAP mais aussi avec d’autres, cantines, etc.. »
Hiérarchiser les partenariats, construire des alliances fortes au national comme au local et mutualiser nos moyens
Le partenariat au sein du collectif InpACT est fondamental. Les liens avec les mouvements de la souveraineté alimentaire sont à renforcer.
Invitation à mutualiser les moyens de plaidoyer citoyen et de mobilisation de masse qu’ont des structures comme Agir Pour l’Environnement. Utiliser ce qui existe déjà (plateforme EGA, Plateforme pour une autre PAC…)
Le partenariat avec le Collectif pour une Transition Citoyenne a été questionné. Le MES y est très impliqué. MIRAMAP étant membre du MES, la proposition est que la participation au CTC se fasse par son intermédiaire, tout en renforçant les liens MIRAMAP/MES.
« Attention à ne pas partir sur tous les fronts… »
« Enjeu de se mettre d’accord sur la parole politique que l’on porte et d’identifier la victoire politique à atteindre…. »
« Se mettre dans une logique d’apprentissage croisé. On peut démultiplier les approches terrains de réappropriation des outils de souveraineté alimentaire d’une part, et être dans les apprentissages croisés globaux, d’autre part. »
• Les sujets qui font débat autour de la place et du rôle des AMAP
L’AMAP, un modèle ? un élément dans l’écosystème des circuits-courts ? un outil au service d’un projet de société ?
Le terme AMAP évoque plusieurs images aux membres du CO :
Le mot « modèle » est parfois utilisé, évoquant un système fixe, à « reproduire ».
On évoque aussi l’AMAP comme un élément de l’« écosystème circuits-courts », avec la notion de coopération, de mutualisation, par opposition à la concurrence.
On évoque souvent l’AMAP comme un « outil » :
« L’AMAP n’est pas un débouché commercial, il s’agit d’un outil pour installer des paysans, etc. dans l’objectif de reconquérir notre autonomie alimentaire territoriale. Il y a un travail de changement de société à continuer. L’AMAP est l’outil parfait pour cela. D’autres systèmes sont importants aussi pour cela. En tous cas, il y a un changement de paradigme qu’on parvient à déployer avec les AMAP. »
« L’AMAP n’est pas un modèle, c’est une expérimentation collective qui prend des milliers de forme… la Charte a été écrite dans l’idée de résister aux modèles ».
« L’AMAP est un outil pour mettre les paysans en mouvement : emmener l’agriculture vers d’autres pratiques ; et mettre les citoyens en mouvement : objectif qu’ils agissent, qu’ils dépassent le panier, qu’ils soient acteurs, même au-delà de l’AMAP. Les « Consomm’acteurs » représentent un vivier de personnes qui se mettent en mouvement même s’ils ne prennent pas de panier par exemple. »
Agir et/ou lutter ?
Le choix du mot « lutter » dans le blason du mouvement des AMAP (réalisé dans le cadre du travail autour de l’identité du Mouvement des AMAP pour construire le Projet Stratégique) a amené un débat de fond sur le rôle des AMAP et du mouvement des AMAP. « Lutter » semble réduire les actions à lutter contre, à une logique clivante, de dualité … par opposition à « Agir » ou encore « Faire avec ».
« Pour arriver à la vision stratégique posée, en 5 ans, il va forcément falloir lutter… »
« On ne peut pas faire alliance avec ceux qui nous détruisent. Il est beaucoup plus difficile de les voir aujourd’hui car ce n’est plus du greenwaching qui est utilisé mais de l’invisibilisation »
« Le rapport de force n’est pas assez en notre faveur il faut l’inverser. »
« Le mouvement des AMAP pourrait faire des campagnes pour dénoncer, par exemple le suicide des paysans, le foncier qui disparait…. Pour que les AMAP comprennent aussi qu’elles ont un combat à mener… le même cheminement est à faire pour les paysans… ».
« Il n’y a pas que les AMAP qui mettent en place des expérimentations pour agir. Toutes ces actions mises ensemble peuvent réellement contribuer à faire évoluer la société. Attention, la dualité crée des guerres et détruit. »
Se pose également la question de la radicalité et du positionnement par rapport aux institutions publiques :
« La radicalité du mouvement peut se décliner différemment aux différentes échelles. »
« Ce qui surprend dans la vision, c’est le fait de ne pas poser la question de l’action publique, cela apparaîtra peut-être plus dans les moyens. La régulation passe forcément par l’État, est-ce que l’État aura aussi évolué ? Et si ce n’est pas le cas c’est utopique. Le ‘bottom up’ ne suffit pas. »
« On sait que la base doit changer. Il faut mettre en place la résilience et pas des mesurettes. La machine capitaliste est destructrice. Il va être de plus en plus dur de produire de l’alimentation. Un choc sociétal est à venir. Il faut être solidaire, relocaliser les filières dans les territoires. Mais aussi en incluant la dimension mondiale. »
« Pour atteindre les objectifs de transformation de société visés, on doit avoir une vision radicale. Les amapiens peuvent être la cheville ouvrière de cette transformation. »
« Ne pas confondre Mouvement (expérimentation, créativité) et dispositifs (action publique qui généralise les choses). »
Un grand merci pour leur participation à cette journée aux membres du Conseil d’orientation : CHOISY Etienne, FADEAR ; BOURÉ Myriam, Open Food France ; CAPLAT Jacques, Agir pour l’Environnement ; COUTELLEC Léo, Philosophe ; GODREUIL Gérald, Fédération Artisans du Monde ; JACQUOT Thierry, Confédération Paysanne ; LAMINE Claire, INRA ; LASNIER Bruno, MES ; MICHEL Adam, Sociologue ; PAROT Jocelyn, Urgenci ; PEREZ-VITORIA Sylvia, Économiste ; aux invités particuliers : MACE Françoise, Fondation Pour le Progrès de l’Homme, BRANDENBURG Alfio et ROZENDO Cimone, chercheurs au Brésil ; et aux membres actifs du MIRAMAP : AFGHAHI Chloé, BERGOT André, BOULONGNE Evelyne, CARBONE Elisabeth, GAUTHIER Benoît, GUITON François, HUMBERT Lucie et MÉTAYER Marilyn.