Changement climatique : témoignages de paysan·ne et ressources

/ Paysan·ne en AMAP, Témoignage

Justine et Grégoire sont paysan et paysanne en AMAP, ils vivent dans le Nord ou le Sud de la France hexagonale et ont pour point commun d’avoir connu des pertes agricoles liées au changement climatique. Découvrez leur portrait et leur récit ainsi que le rôle de soutien que les AMAP ont pu jouer pour eux.

Grégoire, arboriculteur dans les Hautes-Alpes

Grégoire est installé depuis 2001 en agriculture biologique sur 17 hectares de moraine glaciaire. Il produit des pommes, des pêches, du foin et des céréales avec 3 associés et des saisonniers et livre une douzaine d’AMAP.

Avant 2017, il connaissait une mauvaise année de récolte tous les 10 ans. Désormais, l’amplitude des évènements climatiques et leur fréquence augmentent. Les pertes sont causées par le gel tardif sur une floraison précoce et par la grêle de plus en plus fréquente. Il raconte : « Les gelées noires, ça a toujours existé ici. C’est leur fréquence et leur violence qui a changé. Chaque année à cette saison, on a la trouille  ». 

Depuis 2017, sur 8 années, il en a connu 6 avec des pertes : une année avec 100% de pertes, c’est-à-dire 250 000 € de chiffre d’affaires perdu ; les autres avec 20 à 60% de pertes. En 2023, année de canicule et de sécheresse, il n’y avait plus assez d’eau dans les réservoirs car ils n’étaient pas assez remplis par les pluies d’hiver et de printemps. « C’est la seule année où je me suis dit qu’il fallait arrêter et vendre la ferme, le moral était au plus bas, je n’avais plus de motivation au travail devant tant d’adversité. J’ai pris du travail à l’extérieur ». 

Les AMAP ont aidé par des dons, l’acceptation de l’augmentation des prix des paniers l’année où il y avait 60% de pertes, une avance sur la récolte de l’année suivante et un soutien moral.

Grégoire estime qu’il faudrait que l’État favorise l’agroécologie (les haies, les couverts végétaux, l’agroforesterie…) et que les aides pour catastrophe naturelle soient plus conséquentes. En attendant il est en lien avec des associations comme Des enfants et des arbres, Agrinichoirs, Pour une hydrologie régénérative et le GREC-PACA qui transfère le savoir pour encourager les acteurs territoriaux à prendre en main la problématique du changement climatique et les orienter vers la transition.

Justine, maraîchère dans le Pas-de-Calais

Justine est maraîchère depuis 2017 sur une parcelle de 5 hectares, dont 2 hectares consacrés à la production légumière et aux vergers. Elle entame une conversion à l’agriculture biologique, met en place le maraichage sur sol vivant, l’agroforesterie, l’utilisation d’engrais verts. Avec l’aide d’une salariée et de stagiaires de passage, elle produit une cinquantaine de variétés de légumes qu’elle livre en AMAP et en Biocoop.

Sa ferme est bientôt frappée par de nombreux aléas climatiques. Durant l’automne et l’hiver 2021-2022, elle subit des inondations, puis la tempête Eunice du 18 février 2022 et ses rafales de vents jusqu’à 176 km/h qui détruisent ses 300 m2 de serre. 25% des légumes qui y étaient abrités sont écrasés, puis le gel finit de détruire les légumes d’hiver et les plants pour les légumes de printemps et d’été. Les pertes sont estimées à 26 000€. Aucun service public ne viendra l’aider à démonter la serre devenue dangereuse, les secours étant réservés aux particuliers et les entreprises n’étant donc pas concernées. Seul·es les amapien·nes viendront donner un coup de main pour démonter et dégager la serre cassée. Elle est indemnisée par son assurance à hauteur de 10 000€ et seulement 40% du chiffre d’affaire perdu est remboursé par la reconnaissance en calamités agricoles. C’est insuffisant pour réparer, elle n’a pas suffisamment de trésorerie et lance alors un appel pour une cagnotte solidaire.

Arrive l’été 2022 et sa sécheresse. Elle continue à essayer de produire des légumes mais devant tant d’adversité elle fait un burn-out à l’automne 2022 quand elle constate l’échec de tous ses efforts pour reconstruire. Elle appelle la ligne d’urgence de prévention du suicide de la MSA (Mutualité Sociale Agricole), Agri’Ecoute. La MSA lui donne droit à des consultations en CMP (Centre Médico-Psychologique) et à un suivi par une assistante sociale, bien qu’il y ait 5 mois d’attente. Elle entame un suivi psychologique de plusieurs mois. La cagnotte solidaire entre autres financements lui permet de réinstaller une serre. Elle transmet la ferme et arrête son activité agricole fin 2023.

Elle raconte toutefois avoir été très soutenue par une partie des amapien·nes : livraison d’un panier toutes les deux semaines au lieu d’une livraison hebdomadaire à partir de novembre 2022, participation aux ateliers pour démonter la serre cassée et remonter la nouvelle, soutien par le crowdfunding… Elle a pu tenir pour un temps grâce à eux moralement et financièrement.

De cette expérience, Justine retient que les fonds d’urgence ne sont pas assez rapides, qu’il faudrait rester sur le système des calamités agricoles plutôt que les assurances privées, mais qu’il devrait être plus adapté au maraîchage diversifié.

Une action en justice contre l’État français

Face à ces constats, le MIRAMAP, aux côtés de 13 autres personnes sinistré·es climatiques et associations, dont les organisations de l’Affaire du Siècle, lance une action en justice inédite contre l’État français. Nous l’accusons de manquer à son obligation de protéger tous·tes les citoyen·nes face aux conséquences du changement climatique. Plus d’informations ici.

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