Retour d’atelier « Déconstruire la notion de prix » sur la ferme du GAEC de la Pensée Sauvage

Quand le partage de récolte en AMAP rémunère le travail agricole.

Mardi 17 novembre 2021. 7h : départ de Lyon direction la Haute Savoie pour participer à une journée d’atelier sur le thème « Déconstruire la notion de prix » sur la ferme du GAEC de la Pensée Sauvage. Deux principales raisons nous ont poussés à prendre la route par un froid de canard. D’un, pouvoir rencontrer les paysans du GAEC de la Pensée Sauvage, une ferme maraichère 100% en AMAP dont l’expérience originale dans la région autour de leur fonctionnement en partage de récolte avait déjà été relatée dans une fiche il y a quelques années. Deux, allait être mené un exercice délicat de pédagogie autour de leur cheminement de construction/déconstruction du prix en AMAP pour arriver aujourd’hui ne plus parler de prix mais de parts de récolte, et assurer une juste rémunération du travail agricole. Nous y allions donc dans l’optique d’enregistrer et prendre des notes pour pouvoir relayer plus largement les enseignements de cette journée par la suite.

Une journée au GAEC de la Pensée Sauvage

Précisons que cette journée d’atelier a été organisée par InPACT Haute-Savoie et notamment par le Réseau des AMAP Auvergne Rhône-Alpes et l’Afocg des Alpes dans le cadre de la 4ème édition de la ‘Semaine de l’installation paysanne et de la transmission des fermes en Haute Savoie’ du 15 au 19 novembre 2021. Environ 30 personnes étaient présentes  : pour beaucoup des porteur.euses de projets à l’installation en BPREA, mais aussi des maraicher.ères des alentours désireux de cheminer dans leur système en AMAP, ainsi que des amapien.nes membres de l’Odamap (à laquelle est associé le GAEC) et d’AMAPLACE SUR LA TERRE.

La matinée a été consacrée à un tour de table puis à une présentation de la ferme par notre hôte Mathieu : de son histoire qui a commencé il y a plus de 10 ans et de ses évolutions, du système AMAP en général et de leur propre système en AMAP, pour ensuite introduire les grandes lignes de la réflexion collective entre les trois associés et les amapiens autour du partage de récolte. L’après-midi a permis d’approfondir la méthode qu’il est possible d’utiliser pour construire un système en partage de récolte et bien évidemment une visite de la ferme était au programme  !

Parlons partage de récolte

Nous n’allons pas pouvoir résumer tous les apprentissages tant ils ont été nombreux. La fiche expérience réalisée en 2016 donne déjà à lire quelques clés de compréhension sur leur système et nous travaillons à d’autres supports au sein d’un groupe de mutualisation interrégional (RDV web ‘d’échange entre paysan.nes en AMAP’ le 3 octobre sur le partage de récolte – mettre lien vers le cycle). Mais c’est surtout en prenant le temps de journées collectives ou de formation entre paysan.nes en AMAP que peuvent véritablement se construire les connaissances et les savoir-faire  !

En attendant, voici quelques pépites glanées tout au long de cette journée, qui nous l’espérons nourriront les réflexions collectives en AMAP  !

Le ‘partage de récolte’, c’est quoi ce charabia  ?

Mathieu explique qu’aujourd’hui il ne parle plus de ‘prix du panier’ ou des légumes mais de ‘part de récolte’. Les amapiens de l’AMAP Les Carottes Sauvages abondent. Derrière la part de récolte, il est question du prix du travail et de rémunération.

Les trois associés ont eu une importante réflexion sur leur temps de travail, le montant de leur rémunération et l’ensemble des besoins de la ferme. Les charges annuelles de la ferme étaient de 100 000€ par an, comprenant évidemment les besoins en rémunération des trois associés. S’ils trouvaient avec l’AMAP 100 personnes prêtes à s’engager à acheter une part à 1000€/an (ou 50 personnes à 1 part et 100 personnes en contrat sur des demie-parts), le GAEC pouvait alors rémunérer le travail à la hauteur de ce qu’ils avaient envisagé  !

Et ils y sont arrivés collectivement en étant 100% en AMAP pour la production maraichère. Bien évidemment, le prépaiement des contrats s’organise ensuite chaque mois de mi-janvier à fin décembre. Ils sont même allés jusqu’à organiser des tarifs en fonction des revenus des amapiens  ! Mais c’est encore une autre histoire  !

Partir des besoins de la ferme et définir ses objectifs de rémunération

Mathieu revient à plusieurs reprises sur l’importance d’avoir un suivi de son temps de travail. C’est en calculant avec ses associés qu’ils se payaient 4,30€ de l’heure qu’ils ont pu alors ouvrir ce chantier avec les amapiens en partageant ce qu’il appelle une ‘plainte constructive du paysan  !’.

Ce système de partage de récolte a opéré selon lui un ‘basculement psychologique’ car ‘les gens ne parlent plus de panier mais payent du revenu’. L’engagement des amapiens change  : ‘l’engagement est sur une période et pas sur un nombre de panier’.

Vers une cohérence du système ferme en AMAP

Si le GAEC et l’AMAP ont pu bâtir un système de partage de récolte aussi solide aujourd’hui, cela ne s’est pas fait simplement. C’est toute une démarche collective qui s’est mise en place où ‘l’idée, c’est que tout le monde monte en compétences’ précise Mathieu.

Les amapiens dans leur compréhension du métier de paysan, sur leur rapport à l’alimentation et la valeur de celle-ci, et sur la manière dont ils pouvaient concrètement soutenir une ferme. Et les associés sur comment ils pouvaient adapter leur système pour nourrir les personnes : amélioration progressive des rendements et de la productivité (avec notamment la mécanisation), des choix forts en termes de culture (limitation de la diversité dans le panier pour avoir ‘la base’), planification des cultures et recherche d’équilibre entre qualité/diversité/quantité dans le panier.

Par ailleurs, Mathieu explique qu’il garde quand même un œil sur les prix du marché – une piqure de rappel pour rassurer les amapiens qui parfois auraient oublié le projet !

«  Rien n’est acquis  »

Mathieu et les amapiens présents soulignent que ‘rien n’est pour autant acquis’. Les explications en assemblée générale, le suivi, la pédagogie sur ce système avec de nouveaux adhérents demandent des efforts quotidiens de la part des paysans et des bénévoles pour cultiver le sens de ce projet commun ! Les chantiers pédagogiques sur la ferme, les activités collectives et conviviales viennent aussi évidemment entretenir cet état d’esprit et la cohésion au sein de cette communauté de soutien.

Jugé parfois comme utopique, ce système de partage de récolte a fait encore ses preuves ici au GAEC de la Pensée Sauvage. S’émanciper des prix du marché et s’assurer une rémunération juste du travail, c’est possible  ! Et c’est surtout une démarche qui peut être menée collectivement en AMAP en s’appuyant sur les membres expérimentés des réseaux d’AMAP et les partenaires d’InPACT dans les territoires.

La clé  : décider conjointement de prendre le temps de mettre à plat nos partenariats entre fermes en AMAP et groupes d’amapiens pour les transformer  !

Magali, salariée au MIRAMAP

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