Le financement participatif vise à mettre en relation des porteurs de projets avec un grand nombre d’épargnants. Il se caractérise principalement par la possibilité donnée à l’internaute d’affecter son épargne directement aux projets qu’il choisit (entreprises lucratives ou solidaires, créations artistiques, projets d’énergies renouvelables…).
Le plus célèbre exemple de crowdfunding est la première campagne de Barak Obama aux États-Unis, financée par le grand public à hauteur de 150 millions de dollars : des centaines de milliers de gens qui ont, en moyenne, donné 80 dollars sur Internet.
Si ces plateformes se ressemblent, on ne doit pas faire abstraction des grandes différences qui existent entre elles. On distingue trois modèles : dons avec contrepartie non monétaire (Arizuka, KissKissBankBank, Ulule) ; prêt à taux zéro, le versement d’intérêt ne pouvant être proposé que par des établissements de crédit agréés par la Banque de France (Babyloan, Xétic) ; achat de parts sociales d’une plateforme intermédiaire avec versement d’intérêts (Spear en partenariat avec des banques).
Le crowdfunding investit l’agriculture
Dans un livre blanc de la finance participative paru en juin 2012, les acteurs du secteur estiment que la finance participative en ligne a permis en France de collecter près de 6 millions d’euros depuis 2010 et de financer 15 000 projets.
Initialement axées sur le domaine culturel, on observe depuis peu une ouverture de ces plateformes en direction du monde rural et notamment des agricultures alternatives.
Par exemple, le site KissKissBankBank a permis de financer à hauteur de 7500 euros l’achat d’une étuve permettant à trois éleveurs de regrouper leurs vaches laitières et leurs génisses dans l’objectif de mieux valoriser leur lait et de passer en circuits courts de distribution.
Concrètement, les trois éleveurs charentais ont inscrit leur projet sur le site en fixant l’objectif de collecter 7 500 euros. En contrepartie, ils ont proposé une série de cadeaux, allant d’une simple carte postale à une horloge design. Au final, le projet a recueilli 7 720 euros grâce à des dons compris entre 10 et 300 euros. Sur cette somme globale, 5% iront à la plateforme qui a joué le rôle d’intermédiaire et 3% viendront couvrir les frais bancaires, soit près de 600€ au total. Si le montant de 7 500 euros n’avait pas été atteint, tous les dons auraient été annulés et remboursés aux internautes, la plateforme ne prélevant alors aucun euro. C’est la règle du tout ou rien.
Questions d’éthique
Dans un contexte où les banques restreignent leurs crédits, le crowdfunding apparaît comme un levier de mobilisation supplémentaire des épargnants dans un esprit de réappropriation citoyenne du financement. Il peut permettre de faciliter l’accès au crédit bancaire, de boucler des plans de financement ou encore de faire baisser les taux d’intérêt bancaire. A ce titre, le crowfunding est un outil potentiellement efficace pour le développement des agricultures alternatives.
Toutefois, il convient d’observer quelques points de vigilance.
Souvent, les projets sont mis en concurrence les uns avec les autres. Leur capacité à récolter des fonds dépend alors de leur communication (vidéos de présentation, photos, storytelling…). Cet aspect marketing joue au détriment de l’accompagnement, de la création d’une dynamique collective, de la mutualisation des expériences.
Le rapport au risque mérite aussi d’être questionné. Une plateforme comme KissKissBankBank mise sur la relation interpersonnelle qui lie l’emprunteur au premier cercle des prêteurs (la famille et les amis) pour limiter le risque de non-remboursement. Cette accentuation de la pression sur le porteur de projet est à rebours des démarches des circuits courts de financement solidaire dans l’agriculture alternative, qui vise à l’autonomisation du paysan, à un partage des risques plus juste.
Internet n’est donc pas en soi participatif et solidaire mais il n’est pas non plus à condamner d’emblée. Il s’agit d’en faire un outil au service du développement d’une autre finance pour une autre agriculture, en réaffirmant les valeurs que nous portons : proximité géographique et relationnelle, transparence, confiance, accompagnement, dynamique collective.
Pour aller plus loin :