La fin des années 2000 a vu l’émergence des espaces-test agricoles. Ceux-ci permettent aux personnes qui souhaitent devenir agriculteur de tester leur projet en « grandeur réelle », dans un cadre légal sécurisé, en ayant accès aux moyens de production nécessaires et en bénéficiant d’un accompagnement.
Le cadre légal est souvent apporté par une structure de type couveuse ou coopérative d’activité qui héberge juridiquement la personne et lui évite de créer une entreprise. En fonction des dynamiques locales, les lieux de test d’activité sont soit des fermes créées et équipées spécialement pour l’espace-test, soit des portions de ferme mises à disposition par des paysans en place, soit encore les exploitations des lycées agricoles.
L’accompagnement des espaces-test est largement inspiré des pratiques de l’éducation populaire et de l’accompagnement à la création d’activité, orienté vers la recherche d’autonomie de la personne. Dans cette démarche, les questions du financement des projets et de la mobilisation des dispositifs d’aide à l’installation sont des enjeux cruciaux.
Mobiliser les financements adéquats
L’agriculture est une activité où l’on doit maîtriser des moyens de production. Pourtant, les dispositifs d’aide à l’installation (Dotation Jeunes Agriculteurs, Prêt MTS – JA) encouragent le sur-équipement, poussant les nouveaux installés dans l’engrenage de l’endettement.
Ces dispositifs restreignent aussi les possibilités d’adaptation ou de réorientation du projet : engagement à rester agriculteur pendant un certain nombre d’années, obligation d’acheter du matériel neuf ou encore interdiction de le revendre même en cas de difficultés financières. Cette vision de l’installation entre en contradiction avec l’incertitude inhérente à l’activité agricole et démultiplie le risque pour le porteur de projet.
A rebours de cette approche, les espaces-test développent des réponses et des perspectives nouvelles sur les stratégies de financement. Il ne s’agit en aucun cas « d’optimiser » le montant des aides. L’accompagnement s’inscrit dans le cadre d’une installation progressive. Il doit permettre de définir une stratégie financière réaliste, adaptée à la situation du porteur de projet et non l’inverse.
De nouvelles formes d’entrepreneuriat collectif
Les espaces-test permettent aussi de mutualiser l’investissement et la prise de risque au lieu de les faire porter intégralement sur la personne qui s’installe. En général, l’espace-test réalise une partie des investissements et refacture éventuellement les coûts au porteur de projet, en fonction de l’utilisation qu’il fait des moyens de production. C’est une façon de répartir le risque de manière plus solidaire.
À titre d’exemple, sur le terrain de la coopérative d’activité Terracoopa dans l’Hérault, le tracteur, les outils maraîchers et le matériel de traction animale sont d’ores et déjà utilisés par les cinq premiers producteurs de la coopérative. Certaines charges sont également partagées, comme l’abonnement à l’eau d’irrigation, la certification bio ou les assurances, ce qui permet à chacun d’avoir une contribution limitée à 1 000 € par an pour le foncier, le matériel et ses charges fixes partagées.
Il est possible aussi de faire contribuer les consommateurs. En Ile-de-France, le Réseau des AMAP a mis en place une couveuse d’activités agricoles et rurales : Les Champs des Possibles. Le prix des paniers vendus par les compagnon-ne-s accueilli-e-s par la couveuse a été augmenté de 1€ TTC hebdomadaire, ce qui représente une contribution pour chaque contractant de 50 à 52 € par an en fonction du nombre de distributions. Les 6 000 et 7 000 euros récoltés annuellement servent à financer des investissements.
Les espaces-test agricole sont une solution innovante pour sécuriser les parcours à l’installation. Ils comblent un manque en matière d’accompagnement, notamment sur la question des financements et permettent aux nouveaux agriculteurs de disposer de moyens de production, d’une couverture sociale, d’un hébergement juridique tout en répartissant les risques.